Le chemin
Un éclair verdâtre illumina la passerelle, aveuglant brièvement les membres d'équipage. Cette fois-ci le tir n'était vraiment pas passé loin, au point qu'on avait l'impression de sentir l'odeur d'ozone. Le commandant n'avait que peu de temps avant la prochaine salve, aussi une décision rapide s'imposait.
- « Manœuvre d'évasion sigma, maintenant ! »
Le changement de direction fut si violent que les compensateurs inertiels n'eurent pas le temps de jouer leurs rôles. Le capitaine fut projeté sur le côté gauche de son siège avec une telle force qu'une de ses côtes se brisa net. Un grognement bref fut la seule expression de sa douleur.
Hurlant ses ordres pour couvrir le brouhaha:
- « Je veux un balayage de la zone ! Où peut-on passer à couvert ? »
L'officier scientifique était déjà à ses lectures et en quelques secondes son compte rendu tomba:
- « Mis à part la proximité de la nébuleuse de Hardak rien ne permettant un couvert ! »
- « Cap sur la nébuleuse ! »
- « Capitaine, cette nébuleuse est composée en majeure partie d'hydrogène ionisé ; si nous perdions notre plasma. . . . »
- « J'ai dit cap sur la nébuleuse exécution ! ! Affichez l'ennemi sur écran ! »
L'image du prédateur envahissait l'écran Principal, un vaisseau qui glaçait d'épouvante tous ceux qui l’avaient rencontré. Bien souvent synonyme de destruction implacable le Negh'Var était vraiment effrayant.
A nouveau la salle parut plongée dans un océan de jade lorsque les deux tirs frôlèrent le vaisseau. Encore plus près que tout à l'heure malgré l'esquive !
La chasse durait déjà depuis suffisamment longtemps pour que la proie ne s'essouffle.
Et déjà le navire montrait des signes de faiblesse : les boucliers étaient tombés à 65% et les moteurs d'impulsion commençaient à avoir des ratés !
Le pilotage du bâtiment ressemblait de plus en plus à un rodéo arcturien.
Pire encore les premiers tirs de l’ennemi avaient endommagé le système de distorsion et il était impossible d'échapper au combat.
Cependant la grande maniabilité du vaisseau avait permis d'éviter les assauts les plus violents. Mais pour combien de temps encore ?
La voix puissante et rocailleuse de l'officier tactique vint couvrir les signaux d'alertes:
- « Un oiseau de proie se désocculte sur bâbord commandant ! Il s'apprête à faire feu ! »
Le pire des scénarios !
Sans même réfléchir comme mû par un instinct presque animal le commandant hurla:
- « Toutes puissances aux boucliers ! »
Mais déjà le flux des disrupteurs frappait !
Le choc fut redoutable. Une console de contrôle explosa littéralement projetant l'officier au travers de la passerelle. Des gerbes d'étincelles jaillirent de l'écran principal et embrasèrent partiellement la chevelure de l'officier en second. Celui ci commença une tentative d'extinction avec ses mains nues. Au beau milieu de la salle, des canalisations avaient lâché et déversaient une fumée lourde et étouffante.
La réaction du capitaine fut malgré tout immédiate :
- « Virez à 90 degrés Tribord ! Toute puissance au bouclier tribord ! Ingénierie je veux un rapport d'avarie, maintenant ! »
L'ingénieur en chef répondit quasiment dans la seconde:
- « Nous avons perdu le bouclier bâbord, un des moteurs d'impulsion est hors service, l’armement bâbord est inutilisable. »
Une brève réflexion et soudain germa dans l'esprit du commandant une idée folle, la possibilité de faire d'une défaite une victoire. Un sourire carnassier vint fendre son visage. Ce serait dangereux et les chances de réussites très minces.
S'adressant d'une voix d'un calme absolu à son officier scientifique :
- « Quand arriverons-nous aux abords de la nébuleuse ? »
Le front du scientifique baigné de son propre sang s'inclina vers son moniteur
- « Nous serons dans la zone pré-nébulaire dans 27 secondes ! »
- « Pilote ! Faites osciller les moteurs puis arrêt complet ! »
Le temps sembla s'arrêter et tous les regards convergèrent vers le fauteuil au milieu de la salle.
Une multitude d'émotions était lisible dans chaque regard. L'étonnement bien sûr et même l'incompréhension pour certains mais nulle peur chez aucun d'entre eux.
Puis l'ordre fut exécuté et le bourdonnement des moteurs après un dernier hoquet s'arrêta totalement. Un silence lourd que seuls quelques courts-circuits venaient troubler s'installa sur la passerelle.
Presque dans un chuchotement, le commandant rompit le silence:
- « Ingénieur ! Vous allez concentrer le flux de plasma et vous l'éjecterez en direction de la nébuleuse à mon ordre ! Pilote vous passerez en impulsion maximale dès que je donnerai l'ordre d'éjection du plasma, coordonnées : 127. 9 »
Inclinant la tête, les deux officiers rejoignirent leurs postes, laissant le capitaine à sa contemplation de l'ennemi dont l'image grandissait de plus en plus à l'écran.
Et le compte à rebours mental commença :
. . . 5 Le bal des vaisseaux à l'écran ressemblait à un vol de vautour Denebien prêt à fondre sur sa proie.
. . . 4 La sueur collait les cheveux du commandant sur son front, son regard braqué sur l'écran.
. . . 3 Les charognards s'approchaient lentement, le coup de grâce ne tarderait plus.
. . . 2 La tension sur la passerelle était étouffante, palpable.
. . . 1 A l'écran les tubes lance-torpilles du Negh'var prirent une teinte orangée: il allait achever sa victime.
. . . 0 « EJECTION DU PLASMA MAINTENANT ! ! »
Le vaisseau se cabra en relançant ses moteurs, laissant derrière lui une traînée luisante d'énergie. Le nuage de plasma s'enflamma au contact de la nébuleuse et une vague incandescente submergea les deux chasseurs.
Le plus petit des deux astronefs fut pulvérisé et bientôt des débris furent les seuls témoins de son existence. Le destroyer Negh'Var subit de lourds dégâts, un trou béant répandait dans l'espace le contenu du bâtiment qui semblait désormais en perdition.
Mais un colosse blessé reste un colosse capable de frapper, il convenait donc de saisir l'opportunité. L'ordre d'évacuer la zone fut donné, un nouveau cap calculé et au bout de quelques minutes le dangereux ennemi disparut des écrans.
L'officier en second, dont le visage avait été à demi brûlé, s’approcha du commandant. Son regard se fixa dans les yeux bleus de son capitaine.
- « Voila des actes qui mériteront d'être chantés ! S’exclama-t-il, Gloire à B'Lyn fille de Raghnos »
Puis tous les membres d'équipage hurlèrent d'une même voix : « Qapla ! ! »
La jeune klingon se leva de son siège de commandement regarda un à un les guerriers, ses guerriers.
- « Et d'autres victoires viendront à nous car nous sommes sur le chemin du sang ! Qapla' ! »
Les cris envahirent à nouveau l'oiseau de proie, la clameur de la victoire résonnait dans ses corridors.
Oui il y aurait d'autres victoires, oui le sang coulerait à nouveau jusqu'à ce que le prix de la vengeance soit payé.